Au violon

Ecrire en attaché

Aimanté par les marginalités, le poète essayiste Olivier Apert se livre dans une monumentale anthologie de la littérature carcérale, « À l’ombre », un travail éthico-politique revendiqué.

La langue française cache bien son jeu : écrire « en attaché », formule consacrée par l’Education nationale, désigne l’apprentissage de l’écriture cursive dès la maternelle… Cette même écriture employée par tous les auteurs en détention qui figurent dans cette anthologie, de François Villon à Jacques Mesrine en passant par Giacomo Casanova, Grisélidis Réal, Roger Knobelspiess, Serge Livrozet, Claude Lucas, etc.

En détention, entravés, enchaînés, menottés, attachés, donc…

Prélude à ce projet d’envergure, les grands textes de littérature concentrationnaire, celle qui trouve son sens dans les profondeurs ultimes de l’être : Robert Antelme, Primo Levi, Imre Kertesz, Charlotte Delbo, entre autres.

D’autres écrits fondamentaux aussi puissants ont émergé de la claustration et font entendre les affects essentiels, « à l’os ».

Des gens, hommes et femmes, sont nés à la littérature parce qu’enfermés, ce qui ne laisse pas d’étonner et de bouleverser Olivier Apert.

L’auteur de la page manuscrite est Sacha Guitry (extraite de « 60 jours de prison »).

Certes, tous les auteurs recensés dans ce recueil n’ont pas été logés à la même enseigne : certains ont été condamnés à de longues peines, d’autres bannis, internés, guillotinés, exécutés…

Jean Genet a été incarcéré durant quatre ans, Sade vingt-sept ans ! Charlie Bauer, vingt-cinq ans, Grisélidis Réal « seulement » sept mois, Guillaume Apollinaire, quelques jours…

Pour le Béotien, la grande fulgurance de ce roman polyphonique est d’avoir révélé des « plumes » insolites, que rien ne destinait à passer à la postérité littéraire. En mettant en lumière « l’expérience de la langue » chez certains grands « voyous » transfigurés contre toute attente, Olivier Apert nous révèle des voix occultées, emmurées, mais rédimées par la puissance de l’imagination.

Autre travail de bénédictin en voie d’achèvement : la parution prochaine d’ « Espèce(s) de Brut, Une anthologie des écrits d’artistes bruts, médiumniques, asilaires et singuliers », édité au Temps des Cerises. Olivier Apert n’a pas fini de nous surprendre…

A votre écoute !

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